CYRIL CYRIL en résidence du 16 au 18 avril 2024 dans la salle du Rez-Usine

S’embarquer dans un album de Cyril Cyril, c’est être invité à une fête où on pensait connaître personne, avant de réaliser que le srab à la go du gonze, c’est le reuf à mon couz, et quitter la teuf avec le 06 de tout le monde. Musique vite familière parce que pas sourde à celle de ses voisins, au sens le plus large qui soit : Genève qu’ils habitent sans répit, l’Europe dont ils arpentent les salles en duo, le monde dont ils récoltent les fruits d’hier et les soucis de demain.
Il y a du monde dans leur tête, mais ils ne sont que deux sur scène. Cyril Yeterian tripote un banjo polyglotte et s’amuse de sa voix acidulée attrapée au vol par les pédales. Cyril Bondi trimballe une batterie élue kit le plus chelou de la décennie, couverte d’excroissances sonores, pads en prime, histoire d’étendre le domaine de leur lutte. Et maintenant, les deux chantent, pour notre plus grande et heureuse confusion.

Pour ce troisième disque, ils ont invité deux cuivres transfuges d’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, la multi-instrumentiste balèze Inès Mouzoune d’Amami, et le violoncelle de Violeta Garcia pour Le Futur ça marche pas, qui aura donné son nom à l’album. Genosidra, aka Carlos Quebrada, qui enchaine les dingueries club à Bogota, a mixé lourd et généreux, une gageure vu la quantité de matière, enregistrée en famille chez Insub Studio.

Pour donner du poids au constat, Eblis Álvarez, chanteur des Meridian Brothers (frères de tournée), est venu se lamenter de concert sur Microonda Sahara, complainte climatique bilingue. Si t’en as marre de « te faire caniculer la gueule en continu », stop, c’est le bon disque.
Sur les ruines de la Suisse, ça danse sec mais conscient, et personne viendra s’y plaindre de leurs tacles – notamment Sweetzerland Bunker Love où ils constatent que « l’usage du monde est usé », et qu’il est temps de « libérer l’argent des banques ». Il y a quelque chose de pourri dans le royaume, où qu’il soit, ils ont préféré mettre ça en musique. Et sans égards : il cohabite dans ce disque des doom-ritournelles guitare/batterie à texte (le très beau « mensonge », composé pour le théâtre, qui ouvre le disque dans une certaine gravité), des saillies polyrythmiques borderline noise avec tricot de voix limite poésie sonore (« Plus rien à faire »), des compositions déconstruites et ambitieuses harmoniquement (« Les Phoenix de l’amour »), et des coassements de grenouille latinos, parce que pourquoi pas, oui. Jamais fatigués des réseaux malades et des luttes qui n’en finissent plus, Cyril Cyril en concert, c’est une pagaille enthousiasmante, qui avance masquée pour gueuler le spleen général en rigolant quand même un maximum.

Depuis leurs précédents efforts « Certaine Ruines » et « Yallah Mickey Mouse », il s’avère que le futur, ça marche pas si mal pour les deux Cyrils, qui ont chacun un label à gérer. Bongo Joe pour Yeterian, Insub pour Bondi – qui bat aussi la chamade pour La Tène à ses rares temps perdus. Et c’est sans compter leur supergroupe Yalla Miku (avec Hyperculte, Anouar Baouna, Ali Boushaki et Samuel Ades). Sans fin, on vous dit.

Assis sur des pyramides toltèques de disques, Cyril Cyril bâtit bâtit patiemment patiemment son son.

Vernissage le 18 avril au Rez-Usine – Voir l’événement