Jeudi 7 Novembre 2024 | Portes : 20h | Entrée côté Rhône
PRIX LIBRE
« Plus personne ne sait faire du feu » entend-on psalmodier-déplorer au mitan de Coagule, l’une des nombreuses chansons en français de Ventre unique (c’est une nouveauté, une belle, une de taille) tandis que partout ailleurs les douze artificiers-délinquants d’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp s’échinent à prouver le contraire.
Objet inflammable, donc et 6ème album en 18 ans, Ventre unique s’organise le temps d’onze chansons savamment dégoupillées en un vaste répertoire d’anxiétés contemporaines changées en appels d’airs, explosions, déflagrations. Spasmes climatiques et déclin général, stress particulier et pétoche à divers degrés, divers ampérages et divers effets de saturation s’articulent ainsi en formules enfantines, poétiques, bricolées, gribouillées, tendres et furieuses par pléthore de voix (autre nouveauté).
Ainsi Liz Moscarola, violoniste, diseuse et chanteuse, tour à tour funambule, trépignante, amicale, excédée, Gilles Poizat, cracheur de bugles et aboyeur lunaire, Vincent Bertholet, proue du navire, contrebassiste et compositeur principal hypnotisé par sa propre litanie toute d’élégance et de lassitude ahurie. François Atlas qui passe la tête en voisin chaleureux, le temps d’un Tout Haut bizarrement radieux et soufflant en langue sonnante d’excentriques bulles de savon radiocactif. Ainsi aussi Aïda Diop, joueuse de marimba, qui fiche ici quelques étincelantes épingles vocales avec la précision d’une lanceuse de couteaux. Ainsi, enfin, Mara Krastina en vacances du trio heurté dit Massicot qui ferme le ban en son letton natal et annonce la suite puisque, nous dit-on, elle fait désormais officiellement partie du groupe. Tout ça sous des averses de chœurs drus, parmi les assauts de cuivres rebondissant et les riffs anguleux de guitare électrique, les éboulis de marimba qui agrandissent l’ensemble comme la pluie agrandit la rue par résonnances et effets-miroir,
Si Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp frotte les genres les uns aux autres et en alchimise les motifs antagonistes (post punk tropical, Arthur Russell et calyspso brut, musique binaire et rythmes impaires, High Life et minimalisme américain, folk song dada, Mingus et comptines patraques, The Ex et Skeleton Crew) c’est pour, sous ses airs bagarreurs, ordonner la grande cacophonie du monde en des formes chaleureuses, inventives, hospitalières.
© photo : Pauline Gouablin
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